L'intelligence en procès : de la légende urbaine à la mémoire synthétique

Illustration originale : Evan Iragatie / Flux

Edito
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L’intelligence en procès : de la légende urbaine à la mémoire synthétique

Dans le grand théâtre de la technologie, il semble que plus rien n’échappe à la fascination du récit et à l’angoisse du contrôle. À commencer par l’affaire OpenAI-Raine, où une entreprise censée sauver le monde s’intéresse de près à qui porte le deuil sous prétexte de “procédure juridique”. La tech, qui se rêvait émancipatrice, souhaite aujourd’hui jusqu’à connaître la liste des gens aux funérailles, tandis qu’en arrière-boutique, elle ajuste à la hâte ses scripts de modération, jouant la partition du “nous sommes dépassés mais vigilants”. Sur cette scène, l’intelligence artificielle n’est déjà plus la promesse douce du progrès : elle est l’objet médiatique, juridique et idéologique qui fait trembler parents, ministres et avocats — tout en s’invitant dans les chambres sombres de l’intimité adolescente.

Mais cette omniprésence algorithmique n’empêche pas les histoires de continuer à se raconter — au contraire. Jetez un œil à Kuku Story, la startup indienne qui, à coups de millions et d’IA discrète, multiplie les narrateurs et les créateurs hors des métropoles. Ici, point de barrière morale à la machine : l’algorithme est au service de la variété des voix, mais laisse la narration humaine en première ligne… du moins tant que la reconnaissance vocale et la synthèse n’ont pas, elles aussi, “pivoté” vers un storytelling générique. À l’heure où OpenAI doit se justifier devant la justice du monde occidental, l’Inde célèbre le foisonnement populaire de ses histoires ; la tech, toujours, façonne un imaginaire collectif, qu’il s’agisse de consoler, vendre ou répéter.

À cette échelle du récit, tous, nous construisons nos épopées modernes. Même la lune, dont l’observation scientifique s’est substituée aux anciennes légendes, se prête au jeu du dévoilement partiel : sa lumière, ses phases, ses cycles précaires rappellent que toute narration — humaine ou automatisée — n’expose qu’une part de la vérité, laissant l’essentiel dans l’ombre. Entre l’IA qui édulcore le souvenir, l’entrepreneur qui fait du politique selon la météo et la startup qui exporte des feuilletons, la technologie moderne ne cesse de jongler entre authenticité et illusion, remixant la mémoire et le réel au gré des biais, recours et mises à jour.

La tech écrit, corrige ou efface l’histoire : reste à savoir si nous aurons encore voix au chapitre.

Cette ambiguïté entêtante transpire jusque dans la nouvelle fonctionnalité d’édition IA de Google Photos, où la promesse d’accessibilité masque la dépossession douce du regard personnel. Ai-je encore produit “ma” photo, si c’est Gemini qui la gomme, recadre, “embellit” selon des standards obscurs ? Tandis que l’IA “prédictive” et l’encadrement parental rassurent de loin, c’est la construction d’une mémoire collective par algorithme qui prend forme : à l’échelle de la santé mentale (ChatGPT confesseur) ou de la géopolitique sur fond d’IA chinoise (DeepSeek contre le monde), la traque du bug est sans fin — la réparation, beaucoup moins assurée.

L’horizon de cette grande tambouille techno-mémorielle n’est ni la vérité ni la réconciliation ; il est le triomphe du paramétrage, du récit “amélioré”, de l’hybridation rapide entre ce que l’humain narre et ce que la machine fabrique. Que l’on se batte sur la durée légale du travail (Corée du Sud et ses 52h) ou sur la capacité d’un CEO à “switcher” de tendance politique plus vite qu’un patch de sécurité (Benioff, Salesforce), c’est toujours la question de la maîtrise qui affleure : qui tient la plume, la mémoire, le code ? Autour des flammes vacillantes du progrès, la société hésite : s’émanciper par la technique ou s’y laisser engloutir ? Peut-être, dans le doute, faut-il apprendre à douter — y compris de ce que la machine racontera demain sur nous.

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