Dans la grande foire techno du moment, chaque semaine ressemble désormais à une expérience sociale grandeur nature : stablecoins qui affolent la finance mondiale, IA qui parasite la politique, gamers condamnés à traquer leur Switch 2 comme des vampires le soleil, plateformes de triche boostées à l’IA qui redéfinissent la réussite, tandis que les institutions européennes s’essayent (mal) à la désaméricanisation. Ici, le futur n’est plus un terrain de jeu : c’est Hunger Games où la “régulation” n’est pas la règle, mais le défi à contourner.
Regardez du côté des stablecoins : les voilà perçus comme des sauveurs face à l’arbitraire de la finance “traditionnelle”, refuges d’une population lasse des gestions étatiques erratiques et des frais indigestes d’Amazon ou Airbnb. Derrière chaque projet se dessine, pourtant, une lutte féroce entre contrôle – via législation ou lobbying – et anarchie calculée des marchés numériques. “Tokeniser” la planète ou la précariser ? L’ironie est mordante quand Washington s’embourbe avec sa propre IA – entre ceux qui rêvent de la brider dix ans par peur de voir les algos supplanter le Congrès, et ceux qui, à coups de filibuster et de Tweet, rappellent que ni l’intelligence artificielle ni la démocratie américaine ne tolèrent le bal des marionnettes trop longtemps.
Pendant ce temps, la corruption s’institutionnalise : pourquoi s’embêter avec l’intégrité quand les startups de triche IA lèvent des millions, Amazon séduit à grand renfort de faux deals Prime Day (et de pièges à abonnés Audible), tandis que le consommateur, happé par l’économie de l’“inertie d’abonnement”, se débat déjà pour débusquer la “vraie” bonne affaire dans ce carnaval de réductions déguisées. Tout devient affaire de storytelling, chacun cherchant à acheter ou vendre l’illusion du succès ou de la souveraineté – et TechCrunch, de son côté, promet de transformer chaque pitch en destin de licorne, à condition d’en payer le ticket d’entrée avant minuit.
Quand la technologie promet l’émancipation, elle s’empresse de revendre la dépendance sous le vernis de l’innovation.
Mais dans ce brouillard d’opportunités surjouées, la confiance s’effrite. L’Europe, grillée par Microsoft qui coupe des mails sur simple injonction, redécouvre ses vieux rêves d’émancipation numérique : s’en remettre à “Proton” plutôt qu’aux GAFAM, c’est le comeback du local face au global, de la data patriote face au shadowban transatlantique. Et sur le terrain du jeu vidéo, Nintendo, fidèle à sa tradition, rappelle que le véritable trésor n’est pas dans la possession de la Switch 2, mais dans la patience et la course hallucinée entre escrocs du marché gris et stratèges du click matinal.
Alors qui tire vraiment les ficelles ? L’investissement “éthique” dans la blockchain, le bras de fer des politiques sur l’IA, le gaming transformé en business du FOMO, ou les plateformes de triche qui surfent sur l’ambiguïté de notre époque ? Peut-être faudrait-il enfin admettre que le moteur de la tech contemporaine, ce n’est pas l’innovation, mais l’art de boucler la boucle – pirater la règle, la réinventer, et vendre l’illusion d’être “early” là où tout le monde finit, inexorablement, par se faire avoir. Après tout, dans cet univers, chaque innovation n’est qu’un autre jeu à déjouer.