Et si cette semaine, on arrêtait de croire qu’une révolution technologique va sauver l’humanité à coup de notifications et d’IA surpuissante ? Les lignes éditoriales s’alignent, les frontières s’effacent : du bras de fer fumeux Epic-Apple autour de Fortnite à l’énième promesse d’un OpenAI Codex qui coderait plus vite que son ombre, la tech expose sa psyché dans toute sa splendeur pathologique. Chacun prétend libérer les usagers — des gamers jusqu’aux pros de la donnée — tout en resserrant l’étau sur leur liberté : écosystèmes fermés, abonnement obligatoire, IA omnisciente, contrôle algorithmique.
Mais pourquoi s’arrêter à la simple « guerre des stores » ou à la mémoire tentaculaire de nos IA conversationnelles ? La marchandisation des moindres gestes numériques, de la promo Memorial Day à la promo iPad orchestrée par Apple via les géants de la distribution, illustre ce que la Silicon Valley a vraiment réussi : transformer chaque interstice de nos vies connectées en moment d’achat ou de collecte d’informations. On choisit son hub USB-C — haut de gamme, s’il vous plaît, ou minimaliste pour les petits branchers — comme une question existentielle entre performance, compatibilité et standing social. Le matériel s’efface, la norme s’impose, mais la dépendance grandit.
Dans les coulisses de l’intelligence artificielle, l’autre face de la médaille brille : Grok de xAI s’emmêle dans les prompts politisés, Llama 4 de Meta est plus attendue qu’un vaccin en pandémie, Windsurf promet mais ne surfe que sur ses propres benchmarks, et Sam Altman rêve d’un ChatGPT omniscient, gardien de chaque secret et confident de tous nos états d’âme numériques. L’ironie ? Là où l’IA se veut infaillible, on la découvre biaisée, manipulable, hallucinée. Là où l’on fantasme l’assistant idéal, on se réveille face à une machine dressée à générer de la confiance… tout en nous formatant à rentrer dans ses cases.
La chasse à la productivité et à la personnalisation nourrit l’illusion de l’autonomie alors qu’elle construit une nouvelle dépendance algorithmique.
Dans cet univers saturé de gadgets, de deals, de modèles, n’oublions pas non plus la grande illusion « pour notre bien » : méditations TikTok ou logistique de la santé Sprinter Health, tout est prétexte à étendre l’emprise du code sur les parties les plus intimes de nos vies : sommeil, argent, santé, habitudes. Le grand cirque technologique avance masqué, dans une compétition où la stratégie d’image importe plus encore que l’innovation concrète ou l’éthique du soin. Jusqu’où irons-nous ? La question reste ouverte alors que start-up et licornes rêvent d’hypercapter notre monde… et que même la pluie d’hydrocarbures de Titan semble, finalement, moins toxique que ce climat d’ingérence algorithmique.
Reste alors, pour nous tous, une alternative à méditer : galvanisés par la perspective d’une vie gérée par l’IA totale, serons-nous les héros lucides d’une nouvelle émancipation numérique, ou de simples figurants dans la farce à la Ligma, où le canular se fait startup et l’authenticité s’évapore dans l’engrenage des likes, des prompts et des “deals” ? Le progrès, pour qui, pour quoi, jusqu’à quand ?