Vous vous sentez cerné par l’IA cette semaine ? Vous n’êtes pas seul : qu’il s’agisse de Google NotebookLM qui colonise nos poches, des moniteurs gaming à 480 Hz qui veulent dissoudre nos réflexes dans le silicone, ou de Computex où toute innovation s’habille de l’aura IA jusqu’au badge visiteur, la tech ne se demande plus si elle doit tout faire elle-même : elle s’auto-répond avant même qu’on formule la question. Pourtant, derrière l’illusion d’un progrès omniprésent, on découvre une société qui, plus elle s’équipe, plus elle semble hésiter sur la vraie direction à prendre — IA raisonne, IA accélère, IA s’infiltre, mais où va-t-on vraiment ?
À force de voir l’IA transformée en argument commercial, l’innovation elle-même ressemble de plus en plus à une loterie géante, du laptop HP OmniBook 5 démocratisant la puce ARM pour monsieur-tout-le-monde jusqu’au chatbot standardisé par Microsoft avec NLWeb. Ne vous y trompez pas : le « dialogue intelligent » du web cache une avalanche de conversations désormais filtrées, mémorisées, et monétisées — on chit-chat avec sa page de shopping, mais c’est l’algo qui décide s’il faut acheter la version Deluxe ou se contenter du troll “gratuit” qui vend votre profil à la prochaine régie publicitaire. Bientôt, il faudra une IA pour distinguer les IA qui nous parlent réellement des IA qui parlent aux autres IA pour mieux vous prendre au filet.
Paradoxe ultime : le progrès s’arrête rarement pour discuter éthique ou usage. L’exemple limpide de la science “augmentée” par IA, illustrée par Microsoft et Google, enseigne la modestie : entre la promesse de découvertes foudroyantes et la réalité des “hallucinations” algorithmiques, on se retrouve vite à attendre que l’intelligence naturelle repointe le bout de son nez. Mais la course continue joyeusement : la sonnette Ring discount rend la maison “plus sûre” à condition d’abonner vos alertes aux notifications en série ; pendant ce temps, sur Bluesky, on teste le badge “live” pour signaler qu’il ne se passe rien… mais en direct. L’innovation, c’est être là où la webcam vous regarde.
Derrière les puces et les pixels, c’est surtout notre capacité à trier, choisir, et résister à l’accélération qui fera la différence entre progrès et illusion collective.
Tout se tient, tout se ressemble, tout s’imbrique. Les grandes messes de l’innovation, des magasins numériques qui s’ouvrent gratuitement à toutes les startups affamées, jusqu’aux plateformes de streaming immersif, explosent la frontière de l’offre “utile” pour basculer dans le rituel de la nouveauté permanente : acheter, s’abonner, s’upgrader, surveiller, échanger, se géolocaliser, recommencer. L’innovation a quitté le laboratoire, elle squatte votre salon — a-t-elle encore un sens quand elle s’impose par saturation ?
Face à ce déluge d’outils, de gadgets et d’intelligences qui se concurrencent dans la promesse d’alléger ou de sublimer l’existence, la technologie semble vouloir absorber en elle tous les usages, parfois jusqu’à l’absurde. Mais à force de numériser la moindre miette d’expérience, qui organise encore le vrai, l’essentiel, l’accidentel ? Peut-être que la « véritable » révolution consiste moins à multiplier les assistants qu’à réapprendre le doute — et à résister à la tentation de vivre par procuration dans la dernière app à la mode. Car à trop vouloir inventer l’intelligence extérieure, on risque de désapprendre la bonne vieille sagesse intérieure : celle qui, entre deux notifications, nous murmure qu’on peut aussi choisir de décrocher… sans même qu’une IA doive nous le rappeler.